Arrivée en cours de route aux ACL, j’ai pris connaissance du thème « masse critique » dans le fil de la discussion entre les participants du jour : Agathe, Mitch, Thomas, Samuel.
Ce thème ne m’évoquait pas grand-chose.
Dans nos discussions, il est question de changement d’état en physique, de grand silence avant explosion, de basculement, de goutte qui fait déborder le vase, de mouvement social, d’émotions, d’influence…
Samuel nous montre la vidéo d’un garçon qui danse seul à un concert en plein air et qui, progressivement, est rejoint par un puis deux danseurs, jusqu’à créer le buzz et finir entourés d’ une foule en délire.
Cet instant où l’on passe d’un statut peu enviable socialement -seul, ridicule, etc.-, au statut d’influenceur est fascinant. Provoquer des applaudissements, un rassemblement, un action collective, n’est-ce pas grisant ? Mais on peut aussi se vautrer, et c’est la honte.
A cet instant, l’individu passe également du remarquable et remarqué à l’invisible. L’influenceur est aussitôt absorbé et dilué dans la masse. La masse acquiert alors sa force.
J’ai parcouru quelques articles de Wikipédia sur la masse critique, ce mouvement collectif de cyclistes qui s’imposent dans les rues par leur nombre, et viendrait de Chine (les cyclistes étant obligés de forcer le passage des automobilistes). Il y a aussi l’article sur l’influence sociale, des théories contradictoires sur l’engagement, la dilution de la responsabilité dès que l’on est plusieurs…
Je recherchais dans ma mémoire un événement historique qui impliquerait un homme en situation de provoquer une « masse critique ». C’est la figure ultra-iconique de l’homme de la place Tian’ anmen qui s’est imposée, bien que cet homme (surnommé Tank man) qui s’interpose seul face aux chars de l’armée chinoise, n’est justement rejoint par personne. La masse critique apparaît d’abord comme face à lui, mais elle bascule en lui.
Je me suis demandée comment jouer avec cette image de l’Histoire, la rejouer, avec ironie peut-être, face à la situation bien plus légère du teufeur dansant.
Le lendemain, j’ai lu par hasard un article dans Le Monde sur la collaboration et l’entraide (ou pas) dans les jeux vidéos. Comme la gamification est tendance, je me suis dit que si on transformait cette scène un jeu, peut-être que des joueurs voudraient venir rejoindre le tank man, lui prêter main forte ou bien au contraire, lui rouler un bon coup dessus. Peut-être faudrait-il des enfants, qui ignorent tout de cette histoire (autant que de jeunes chinois), et on testerait s’ils sont influencés par les actions des autres joueurs ? …
Bref, je n’ai pas réalisé cet étrange projet. Mais j’ai réalisé un prototype de vidéo du tank man où il est rejoint par une foule solidaire et dansante, qui ne sont rien d’autre que ses propres clones (ou mèmes).
J’avais à l’esprit un film d’animation que j’aime bien, Tango (1980).
Ce prototype m’a pris un temps considérable pour un résultat très artisanal du fait ma totale découverte d’un logiciel qui plante environ toutes les 2 minutes (Kdenlive), et des tutos sur youtube que j’ai du avaler. Mais cela correspond à mon idée de tank men dansants 🙂
J’ai ensuite découvert que l’artiste Deborah Kelly a réalisé en 2009 une performance sur cette ‘danse’ : le panzer mann tango !
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En savoir plus : Tank Man, documentaire historique. Production SBS, 52 min.
Comme un légo : https://www.youtube.com/watch?v=oocjXDEhux4
Musica ! : https://www.youtube.com/watch?v=9yIxK3F1Q2c